ou comment passer de l’identité à l’action !

De la question de l’identité

La fin des années 2000 a vu émerger autant que s’accroître, une nouvelle famille de profils psychologiques : les “Hypers”. Et par “Hypers” il faut appréhender la famille de personnes auxquelles sont attribuées les classifications identitaires suivantes : hypers sensibles, haut-potentiels intellectuels, haut-potentiels émotionnels, surdoués, zèbres, etc. Puis, l’émergence d’une nouvelle catégorie élaborée à partir du néologisme douance : surdouance.

Que montre cette hypertrophie de l’identité occidentale ? quel problème cet excès conduit-il à observer ? Que cela questionne-t-il de notre manière de vivre au XXIème siècle ?

De l’usage inapproprié des mots

L’usage actuel du mot “hyper” révèle ce qui pourrait être “l’étroitesse” des modèles, que les individus ont de la notion de talent, de performance, et d’action.

En effet, l’observation en cabinet montre le besoin presque viscéral de “qualifier” ce que l’on croit de soi, ou ce que les autres projettent sur soi. L’idée construite à partir d’un ensemble de concepts identitaires, semble permettre, pour eux, de répondre conceptuellement à qui je suis par rapport à l’autre et à la norme.

Ce besoin naît du constat d’un sentiment de différence entre la manière dont la personne se pense, se ressent, et la manière dont la société pose ou impose ses attendus, en particulier, l’injonction normative de ce qu’est ou doit être “l’intelligence”. La teneur des propos tenus par les personnes en cabinet l’illustre :

“ J’ai l’impression de ne pas réfléchir comme les autres, je m’ennuie vite…” “ Je suis instable. Tout me touche beaucoup plus que chez les autres : un rien et je m’effondre.” “Je suis incapable de me gérer.” “On m’a dit que je devais être hypersensible alors j’ai fait un test et c’est vrai.” “J’analyse vite.” “Je perçois des choses que les autres ne voient pas.” “On ne me comprend pas”, etc.

Du besoin (presque) viscéral de se connaître (de se nommer)

La demande exprimée par les personnes en cabinet montre une récurrence de la demande, “je veux mieux me connaître”, “ je veux comprendre comment je fonctionne”, “ j’ai besoin de savoir qui je suis”, d’avoir une explication cohérente sur “qui je suis”. Cela implique pour eux de comprendre : “comment je fonctionne par rapport à l’autre, par rapport à la norme.”

Ils cherchent à poser ou à confirmer un diagnostic sur “qui” ils sont. Dans le cas des personnes dites “hyper”, cela s’exprime au travers de trois problématiques majeures :

l’imposture, “suis-je vraiment qui je prétends ? suis-je vraiment à la bonne place ? suis-je méritant ? suis-je vraiment ce que je crois être ?”

le doute, “je ne suis pas sûr, je ne crois pas, ce n’est pas possible, ce n’est pas moi, suis-je différent ?”

la confiance, “je ne suis pas capable, je suis nul, je suis incompris, je suis trop sensible, je n’arrive pas à gérer mes idées, ça va trop vite dans ma tête, ça va dans tous les sens”, “il faut que j’évite de m’exposer. C’est une information importante que j’ai du mal à avaler” “je suis incompris, parce que je suis capable de choses que d’autres ne savent pas faire”, “j’ai compris pourquoi ça ne fonctionnait pas quand j’étais en équipe, c’est parce que je suis surdoué” etc.

Du problème de la différence

Ce processus intellectuel génère un soulagement chez les personnes diagnostiquées “HP”. La réponse au problème du pourquoi, réconforte l’esprit. La découverte de son “hyper-sensibilité” ou de son “haut potentiel” est perçue comme libératrice car elle pose un mot, puis un concept considéré comme légitime sur des situations vécues comme handicapantes et parfois humiliantes.

Il permet de justifier alors ce sentiment de différence, en lui attribuant une nouvelle identité issue de tests. Ainsi, par ce principe subjectif et moral, la différence devient la justification légitime du problème.

Arrive alors des concepts tels que l’hyper émotion, l’hyper intelligence, l’hypersensibilité, la surdouance, les surdoués, les zèbres, etc. Ils expliquent autant qu’ils justifient les perceptions dites en “écart” de quasiment tout.

Le nom attribué donne un nouveau cadre identitaire à ce ressenti dont l’origine est jusqu’alors inconnue. Une fois nommée, elle existe et peut donc se libérer.

L’hypertrophie de l’identité, ou le syndrome psychomorphique.

Dès lors que la personne est identifiée à partir d’un référentiel valorisant, elle génère un sentiment d’apaisement à court terme. Avec le retour dans le quotidien, ce mot “hyper” s’ajoute aux problématiques initiales de la personne. Avant, elle ressentait un sentiment de différence, maintenant elle ne voit plus que ça, car elle connaît la cause de ses problèmes sans avoir de solutions. Et c’est en particulier ce point qui cristallise sa souffrance.

Que faire alors ?

Nommer, non pas la personne, mais la manière dont elle opère. Déplacer le sujet du “qui je suis” vers le sujet du “comment je produis un résultat observable”.

En s’écartant de l’identité, les individus peuvent se pacifier, car ils sont en capacité de nommer, de décrire et d’objectiver ce qu’ils font et produisent au quotidien. Ce qui est objectivable peut donc être partageable avec les autres.

Sortir de cette bulle identitaire oppressante, libère et autorise à s’appréhender comme tous les autres, différents et uniques sans chercher la comparaison.

Comment le mode opératoire naturel modifie la perception de soi.

En partant de ce qu’un individu produit de manière naturelle, spontanée et adaptée à la situation, il est possible d’utiliser les mots appropriés pour décrire ce qui est produit. La personne s’ouvre alors de nouvelles options pour se penser.

La production devient le support extérieur qu’il est possible d’utiliser pour sortir du seul ressenti. Ainsi, l’usage des mots corrects pour traduire les résultats constatables, permet à la personne de donner “corps” à ses ressentis.

Le mode opératoire naturel par opposition à l’identité et à la personnalité, s’observe, s’accompagne, s’entraîne et s’actualise en compétences puis en projets.
Lors de nos accompagnements, les particuliers ou les organisations publiques et privées, expérimentent quatre moments :

L’étonnement. Ils apportent ou montrent ce qu’ils savent faire et se disent “ha, je sais faire ça, comme ça !?”

La compréhension. Ils accèdent à un nouveau répertoire sémantique qui leur permet de se repenser avec objectivité “les mots collent à ce que je fais !!”

La potentialisation. Ils découvrent de nouveaux champs des possibles “je n’avais jamais envisagé ça comme ça !!”

L’actualisation. Ils expérimentent la mise en pratique consciente de leurs modes opératoires naturels au service de leur projet “ha, j’ai le sentiment de revivre !”

Face aux problèmes existentiels alimentés par des concepts abstraits, ils expérimentent une nouvelle manière de pratiquer leur quotidien, qui donne sens à leur vie. Bref… toute une nouvelle aventure où l’autre n’est plus un problème, et où ce qui était considéré comme des impasses, deviennent de nouvelles opportunités.

Candide Mejia,

Fondatrice de CARADIEM – Psychologue et Docteur en Psychologie – Formatrice certifiée à la Process Communication

Yves Richez,

Docteur en sémiologie, auteur de Détection et développement des talents (ISTE), TalentReveal.

IllustrationsⒸ : Marc Bourguignon, Elodie Chartier

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